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oseph Dietsch (°Dijon, 18
novembre 1818-†15 septembre 1890), dans un ouvrage resté manuscrit[1],
a donné, le premier, des renseignements précis sur les frères Riepp et les Callinet…
Joseph
Dietsch, est le frère cadet de [Pierre] Louis Dietsch (Dijon, 17 mars 1808 – †
Paris, 20 février 1865). Ce dernier, chef des chœurs, puis chef d’orchestre de
l’opéra de Paris, fut aussi un compositeur reconnu de musique religieuse, maître
de chapelle à Saint-Paul Saint-Louis, à Saint-Eustache, à Saint-Roch et à
l’église de la Madeleine[2].
Leur père, Gotthold Dietsch (Apolda[3]
24 juillet 1782 – † Dijon 15 novembre 1867), était installé comme fabricant de
bas, puis tailleur d’habits et fripier, à Dijon, dans le quartier de l’église
Notre-Dame[4].
Joseph
Dietsch s’est intéressé très jeune à la facture d’instruments. Il avoue avoir
commencé à travailler avec l’organiste de la cathédrale : Jacques-Reine
Paris, esprit curieux et inventif, qui avait créé à la maîtrise une fabrique
pour produire un instrument qu’il avait inventé. En 1832, Joseph Dietsch, âgé
de 14 ans, aide Joseph Delor dans son travail de relevage du grand orgue de
Saint-Bénigne[5].
Quelques années plus tard, c’est probablement son frère et Félix Danjou qui
l’ont incité à partir à Paris « Au
mois d’Août 1836, Danjou et mon frère, en allant visiter l’orgue de Fribourg
récemment construit, passèrent par Dijon où ils demeurèrent quelques jours (ma
connaissance avec Danjou date de là) ». Il va donc à Paris et apprend
le métier de facteur d’orgues auprès de Louis Callinet. Il dit avoir travaillé
au total 12 ans, avec Louis Callinet d’abord, puis, à partir de 1839, chez
Daublaine-Callinet où il était chargé principalement des tournées d’entretien
et d’accords[6].
Il a donc beaucoup voyagé et vu beaucoup d’orgues, en France, en Algérie, et à
l’étranger à l’occasion de ces tournées.
Il
participe à la restauration du grand orgue de Saint-Bénigne par Ducroquet,
successeur de Daublaine-Callinet.
Joseph Dietsch a gravé son nom sur la balustrade de la tribune du grand orgue de Saint-Bénigne de Dijon |
Celle-ci s’achève en juin 1848. La révolution
de février 1848 ayant asséché le carnet de commandes de la maison Ducroquet, il
décide de rester à Dijon. Début 1849, domicilié chez son père, rue Notre-Dame,
il fait les accords des orgues en Bourgogne et Franche-Comté pour Ducroquet, et
cherche des travaux sur place, proposant notamment, en mai 1849, ses services à
Saint-Jean-de-Losne, pour un relevage[7].
En
septembre 1849, il épouse la fille d’un marchand de meubles dijonnais[8].
Pour occuper ses loisirs, il construit un petit orgue qu’il parvient à placer à
la chapelle de l’hôpital en 1852[9],
alors qu’il a déjà abandonné le métier de facteur d’orgues pour reprendre
l’affaire de ses beaux-parents.
Ce petit instrument, sans tuyaux de montre parlants
(ils sont en bois, recouverts de papier d’étain) a été construit en 1848-49
avec les débris de l’ancien orgue de Saint-Bénigne qui venait d’être terminé.
Les quatre grands sommiers du grand orgue, en superbe bois de chêne, après
avoir été démontés m’ont suffi pour faire le sommier, le soufflet et le
mécanisme. Les tuyaux d’étain et ceux qui sont en étoffe sont d’anciens tuyaux
de Saint-Bénigne réajustés, réparés diapasonnés et remis en harmonie. Il n’y a
de neuf que le clavier, les tuyaux en bois, le hautbois et le jeu d’Euphone à
anches libres. Je l’ai vendu à l’Hôpital le 14 mars 1852 moyennant la somme de
3000 Fr. […] l’orgue n’a qu’un seul clavier de 54 touches -4 octaves ½ - le
pédalier en tirasse a 18 touches. En voici la composition : Flûte de 8
pieds – Bourdon de 8 p. – Prestant – flûte de 4 p. – Dessus de doublette –
basse de doublette, dessus de Hautbois – basse d’Euphone. En tout 6 jeux, 8
registres[10].
Pour
les raisons qu’on lira ci-dessous, bien dans le goût de l’époque, ce petit
orgue reçoit un bon accueil de la part des organistes dijonnais, dont la presse
locale se fait l’écho :
Nous étions conviés avec quelques
personnes favorisées à entendre l’essai d’un orgue que l’hôpital vient
d’acquérir d’un facteur de notre ville, M. Dietsch.
Cet instrument est remarquable par une grande pureté
de son, une égalité parfaite dans les différents jeux qui le composent. Ce
qu’il y a de plus remarquable dans cet instrument, c’est un jeu d’Euphone, jeu
moderne, dont le timbre ne ressemble en rien aux clairons ni aux trompettes des
anciennes orgues, un jeu à anches libres dont la sonorité charme l’oreille, et
qui se trouve tellement en rapport avec le vaisseau de la chapelle qu’on le
croirait fait exprès. La continuation de ce jeu est un hautbois d’une qualité
de son parfaite. En somme, cet instrument fait le plus grand honneur à M.
Dietsch, et il est regrettable que ce jeune facteur ait renoncé à une carrière
où de grands succès l’attendaient.
L’instrument que nous avons entendu n’occupe point
encore la place qui lui est destinée ; le buffet manque encore.
Le croquis du buffet dessiné par M. l’architecte Petit
nous a semblé s’harmoniser parfaitement avec le style de la chapelle.
Plusieurs artistes dijonnais ont essayé l’orgue de M.
Dietsch, et M. Grognet [sic] organiste de Saint-Michel en a surtout fait sentir
toutes les beautés par la distinction avec laquelle il a touché plusieurs
charmants morceaux[11]
D’autres
journaux ayant malencontreusement, à cette occasion, présenté Joseph Dietsch
comme « l’élève de son frère, facteur d’orgues à Paris » ! une
mise au point, publiée la semaine suivante, nous renseigne exactement sur sa
situation début 1852 :
La réception du charmant orgue dont M. Dietsch a
enrichi la chapelle de l’hôpital de Dijon est déjà un fait un peu vieux sur
lequel nous avons cependant quelques mots à dire, afin de couper court à toutes
les équivoques, dont le but, à coup sûr n’est pas la bienveillance.
M. Dietsch, qu’il ne faut pas confondre avec son
frère, l’habile artiste, élève de notre maîtrise (dans le bon temps), chef des
chœurs de l’opéra et compositeur, qui occupe un des premiers rangs pour la
musique sacrée. M. Dietsch auteur de l’orgue en question a occupé pendant 8 à
10 ans le rang de contre-maître dans la maison Daublaine et Callinet, un des
deux plus importants ateliers de facture d’orgue. Cet artiste n’eut jamais
quitté le rang honorable qu’il occupait dans cette maison et des occupations
qui étaient si bien dans ses goûts, sans la catastrophe de février.
Il revint à la fin de 1848 dans sa ville natale et
l’instrument dont il est question est le fruit de ses loisirs forcés. Depuis
lors, M. Dietsch est à la tête d’un commerce d’ébénisterie ; mais il n’a
pas dit pour cela son dernier mot comme facteur d’orgues[12].
Toujours
intéressé par tout ce qui touche à l’orgue et la musique, Joseph Dietsch reste
en relations avec son frère, bien sûr, avec lequel il correspond beaucoup, et
qu’il va voir souvent à Paris[13],
avec l’Abbé Schwach directeur de la maîtrise de la cathédrale de Dijon, avec
Félix Danjou et avec son « savant ami M. l’Abbé Ply », il suit les
travaux de restauration de l’orgue de Saint-Bénigne par Merklin en 1860. Il dit
avoir été sollicité ensuite pour entrer à la direction de la Société Anonyme,
lors du départ de Joseph Merklin :
(p.320)
(152) J’ai grâce à Dieu, depuis ma sortie de la maison
conservé soit avec elle, soit avec ceux qui lui ont succédé les plus amicales
relations. Vers 1872, Mr. Merklin (qui avait repris la suite de Mr. Ducroquet,
mon dernier patron, s’est séparé de la Société anonyme pour la fabrication des
grandes orgues : cette société, dont il était l’âme, s’est trouvée
désorganisée. A la tête d’une entreprise artistique comme une fabrique
d’orgues, il faut un nom connu, ce nom, Merklin l’avait, comme avant lui
l’avaient eu la Maison Daublaine-Callinet, Danjou, Barker et Ducroquet. La Société
Anonyme restait donc avec ce seul titre par trop anonyme. Au moment de la
dissolution, elle me dépêcha Charles Vervoitte [14], qui lui portait encore un vif intérêt. Il avait
mission de m’engager à apporter peut-être moins ma personnalité que le nom de
mon frère dans cette affaire. Dietsch est un nom dans le clergé et dans le
monde artistique, surtout celui qui s’occupe de musique religieuse. On
m’offrait une position, une sorte de gérance, on aurait voulu en invoquant mon
ancien séjour dans cette maison mettre le nom de mon frère en vedette. J’aurais
eu à m’occuper non d’un travail manuel, mais des affaires générales de la facture.
De plus on m’offrait sans que j’eusse aucune mise de fonds à apporter de bons
appointements, un appartement dans la maison etc..etc… Vervoitte en mon
absence, sollicitait ma femme et mes enfants pour qu’ils me décident à
accepter. Mais, non, j’avais quitté depuis trois ou quatre ans mon commerce, je
désirais depuis si longtemps me reposer, vivre modestement et tranquillement
pour moi et les miens : rien ne put me séduire et me faire abandonner mon
pays natal, et j’ai toujours répondu non, non. Je n’ai pas eu à le regretter,
malgré les chagrins de famille qui m’ont accablé depuis cette époque. Quelques
temps après, la maison a quitté Paris pour aller se fixer à Bruxelles.
En
effet, après la mort de son frère le 20 février 1865, et de son père le 15
novembre 1867[15],
Joseph Dietsch, retiré de son commerce de meubles, et installé 34, rue
Saint-Pierre (aujourd’hui rue Pasteur), a encore eu à déplorer le décès de sa
mère, le 3 juillet 1873, à 90 ans, à l’Hôpital de Dijon[16],
et surtout, de son fils Denis, âgé de 23 ans, le 27 octobre 1874[17]
et de sa fille cadette Georgette, à 18 ans, le 10 avril 1877[18].
On
le consulte pour les affaires d’orgues dans la région : le 6 septembre
1880, avec Joseph Wackenthaler organiste de la cathédrale de Dijon, Stephen
Morelot et Verschneider organiste de la métropole de Besançon, il fait partie
de la commission de réception du relevage de l’orgue de Dole par Ghys[19],
il suit encore la reconstruction des orgues de Saint-Michel de Dijon par le
même Ghys et en 1884 il participe à la réception de l’instrument.
Enfin
- et c’est ce qui lui vaut aujourd’hui la reconnaissance des chercheurs - à la fin de sa vie, il se consacre aux
recherches historiques sur les orgues de Dijon et de la Côte d’Or. Il publie en
1884 une étude très documentée sur la musique à la Sainte-Chapelle de Dijon[20]
et consigne ses souvenirs et l’ensemble des résultats de ses recherches dans un
manuscrit de presque 400 pages achevé en 1888 : Dijon, les orgues, les organiers, 1427-1887.
En
plus des informations de première main qu’il a collectées comme facteur
d’orgues à partir des années 1837, et qu’il a pu obtenir aussi auprès de son
frère, Joseph Dietsch a découvert et transcrit, dans les fonds d’archives
départementales, municipales et paroissiales, nombre de documents sur les
orgues de Dijon et de la Côte d’Or avant, pendant, et après la Révolution.
Grâce aux contacts qu’il a noués avec le P. Kuhn d’Ottobeuren, il a écrit la
première biographie de Charles-Joseph Riepp, dont il a exploré aussi la
descendance française.
Si
Joseph Dietsch manifeste une admiration sans borne pour son maître Louis
Callinet, il reste très neutre vis-à-vis des Callinet de Rouffach : il était
acquis aux idées de Félix Danjou et zélateur de la maison parisienne pour laquelle
il a travaillé.
C’est
le patriotisme bourguignon qui l’incite à parler des Callinet de Rouffach, dont
il précise les origines en Côte-d’Or à Ladoix-Serrigny. Il reconnaît qu’ils ont
construit beaucoup d’orgues, mais n’a finalement pas beaucoup d’estime pour
leur travail.
Plusieurs
de ses informations sur les Callinet ne sont pas exactes et certaines ont été
rectifiées par des travaux ultérieurs, mais il était leur contemporain, et ses
écrits, mis à part quelques erreurs et imprécisions, contiennent l’essentiel
des connaissances utilisées, aujourd’hui encore, sur leurs origines et
plusieurs de leurs travaux hors d’Alsace. A ce titre, il est utile de relire
ces textes, en les plaçant dans le contexte de l’époque.
Jacques Gardien a largement puisé
dans ce manuscrit[21].
Son ouvrage a été - notamment pour P. Meyer-Siat[22]-,
la source principale des informations sur les origines des Callinet.
[1]. Joseph Dietsch, Dijon, les orgues, les organiers, 1427-1887, (1888) Bib. Mun Dijon, ms 1818. [MSJD]
[2]. Cf. Vincent Morel, Inventaire des
compositeurs bourguignons xix-xxe siècle, mission d'étude réalisée pour Musique Danse
Bourgogne, 2008.
[3]. En Saxe, près de
Weimar. Venu à Dijon en 1806, il avait épousé une
Dijonnaise : Jeanne Bachellier, le 19 août 1807. Archives départementales
de la Côte d’Or : AD21 État Civil Dijon 5Mi 9R 142.
[4] Cf. Pierre Marie Guéritey, « Les
Callinet et leur œuvre hors d’Alsace (1) », Revue Historique de l’Orgue en Alsace n°3, 2010, p.
33-36.
[5]. [MSJD] p. 128,
l’instrument inventé par Paris était un hautbois à clavier qu’il avait fait
breveter sous le nom d’hamoniphone. Cf. aussi : Pierre Marie Guéritey, Le grand orgue de la cathédrale Saint-Bénigne de
Dijon : 1745-1995, Dijon : Euromuses et AOCD,
1995, 158 pages, ill.. Page 63 note 7.
Joseph Dietsch indique
aussi que Joseph Delor avait collaboré avec Joseph Callinet pour les travaux
effectués aux orgues de Saint-Michel et Notre-Dame de Dijon.
[7]. Arch. Mun. de Saint-Jean-de-Losne 1M24 : visite de l’orgue le 30
avril et devis du 1er mai 1849, qui ne sera pas accepté. L’orgue de
Saint-Jean-de-Losne sera relevé en 1852 par Rothé.
[8]. AD21 Etat-civil
Dijon 5 Mi 9 R 220. Le 12 septembre 1849, il épouse Madeleine Favotte, fille d’un marchand de meubles, domicilié 9, rue
Verrerie. En mai 1851, il effectue encore des tournées d’accords pour Ducroquet
dans le Jura et la Saône et Loire, et il aurait continué aussi à entretenir
l’orgue de Saint-Bénigne si le conseil de fabrique
n’en avait décidé autrement.
[11]. Journal
« L’Union Bourguignonne » du 10 mars 1852, l’article a été écrit par
Grogney lui-même.
[13]. Charles Poisot, Notice sur Louis Dietsch, lue à l’Académie de
Dijon, le 31 janvier 1877, Dijon : Lamarche, 1877, 71p.
[14]. Alors maître de
chapelle de l’église Saint-Roch à Paris, inspecteur des orgues et des
maîtrises.
[19]. Pierre Marie Guéritey, Les organistes de Dole de la construction du grand orgue
par Riepp à la fin du Concordat, Université Lyon II,
mémoire de DEA, 1981, et aussi : Pierre Marie Guéritey, Karl Joseph Riepp et l’orgue de Dole,
thèse de doctorat en musicologie soutenue devant l’université Lyon II, dir.
Daniel Paquette, 15 juin 1985, Bron, impr. Ferréol, 1985, 2 vol., 649 p., ill.,
planches ; p. 379.
[20]. Joseph Dietsch, « Souvenirs de la
Sainte-Chapelle du Roy : les maîtres de chapelle, les organistes », Bulletin d'histoire et d'archéologie religieuses du diocèse
de Dijon, 1884, pp. 31-36 & 76-81. Eugène Fyot a largement
profité de cette publication pour son article « la Maîtrise de la Sainte Chapelle à Dijon » (Revue de Bourgogne, vol VIII, pp. 44-52).
[21].Jacques Gardien, L’orgue
et les organistes en Bourgogne et en Franche-Comté au dix-huitième siècle, Paris: Librairie E. Droz, 1943, 577 p.
Evidemment, Jacques Gardien, qui a révélé un nombre très important de documents
inédits, ne s’est pas contenté de recopier le manuscrit de Dietsch ! Mais
il y fait souvent explicitement ou implicitement référence. J’en parle ici
librement, car j’ai aussi beaucoup utilisé ce manuscrit pour mes recherches sur les orgues en Bourgogne, dès le début des années
1980, et j’estime qu’il est juste de parler ici un peu de Joseph Dietsch, un
des premiers explorateurs des archives pour les orgues…
[22]. Meyer-Siat, Pie,
Les Callinet facteurs d’orgues à Rouffach et leur œuvre en Alsace, Strasbourg :
librairie Istra, 1965, 457 pages, ill.
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